Devenir chauffeur de taxi, ça vous dit ? (Le Parisien)

29 Oct Devenir chauffeur de taxi, ça vous dit ? (Le Parisien)

Ils n’ont pas toujours bonne presse. De mauvaises langues leur reprochent de ne pas être aimables, de conduire de façon brutale ou de ne pas accepter le paiement par carte bancaire.
Mais ça, c’était surtout avant l’apparition d’Uber et des VTC. « Je les utilise régulièrement, j’ai l’impression que la concurrence a permis à cette profession de se remettre en question et de monter en gamme », estime Julie.

Malgré des tarifs supérieurs à ceux des VTC (de l’ordre de 10 à 15 %), les taxis continuent à se développer. Paris compte 19 900 chauffeurs de taxi autorisés à prendre et déposer des clients dans la capitale. Ce chiffre – fixé par la préfecture de police – a crû d’un millier d’unités en dix ans.
Pour entrer dans cette profession réglementée, il faut suivre une formation, passer un examen écrit et une épreuve de conduite.

Il y a environ 1 000 à 1 500 chauffeurs qui entrent chaque année dans le métier. « Une bonne moitié vient du secteur du transport ou de la logistique », explique Katia Yousfi, directrice pédagogique de l’école City Ethy, à deux pas de Bercy (Paris XIIe).

Avec son père, Hocine, ses sœurs et son frère, elle accueille chaque mois des dizaines de candidats au métier d’artisan taxi. La formation coûte environ 2 000 €, et se déroule sur trois à six mois. Un permis depuis plus de trois ans, un casier judiciaire vierge et le brevet de premiers secours sont exigés.

« Taxi, c’est un métier qui attire, car il permet de vivre correctement, avec dignité, poursuit Katia. L’âge moyen des élèves est d’environ 40 ans. Beaucoup sont des personnes immigrées qui veulent se reconvertir après avoir pratiqué des métiers pénibles et mal rémunérés, dans la restauration et le bâtiment notamment. On a aussi des chauffeurs de VTC qui veulent acquérir un statut moins précaire et être indépendants. »

Son père, natif de Kabylie (Algérie), en est l’exemple. Hocine Yousfi a débuté dans les années 1970. À la tête de l’école Ethy, c’est aujourd’hui une figure du monde du taxi parisien. « Le taxi, c’est un métier passion, dit-il. Nous sommes les ambassadeurs de Paris, la plus belle ville du monde. Devant notre pare-brise, le paysage est magnifique. La devise de notre école, c’est La vie est belle en taxi à Paris ! »

Une réglementation complexe

Rendez-vous est donné place de Breteuil (VIIe), où cinq élèves de l’école repassent l’examen de conduite. La tension est palpable. Hocine Yousfi, chapeau blanc sur la tête, est venu soutenir ses élèves. Il enchaîne les plaisanteries pour tenter de réduire le stress des participants. Linda est la première à monter dans le véhicule « école taxi ». À son bord, deux examinateurs se comportent comme des clients. Première mission : savoir correctement écrire le nom de la destination annoncée par le client. Pas évident dans une ville comme Paris, où les noms de rues très ressemblants sont légion. Une fois le lieu d’arrivée identifié, la conductrice doit indiquer sur un plan les axes à emprunter pour parvenir à destination. Pendant la course, Linda est soumise à de nombreuses questions, auxquelles elle doit répondre en restant concentrée sur sa conduite.

« Ouf, je pense que je n’ai pas commis d’erreur, souffle-t-elle après l’épreuve. J’ai longtemps travaillé dans la restauration. Après le Covid, c’était dur. Mon mari est devenu chauffeur de taxi il y a deux ans, je le suis maintenant dans la profession. À deux, cela nous permettra d’amortir plus facilement les frais. » Hocine Yousfi la rassure : « Toutes les femmes taxi que je connais sont devenues riches ! Elles sont très demandées. Il y a énormément de travail pour elles. » Linda devra encore patienter pour connaître le résultat et décrocher le fameux certificat de capacité professionnelle de conducteur de taxi (CCPCT). Pour l’obtenir, les élèves doivent maîtriser une réglementation complexe, connaître Paris sur le bout des doigts, et posséder quelques rudiments d’anglais. Les futurs artisans apprennent aussi des notions de comptabilité et de gestion. Sans oublier une conduite irréprochable et le sens du contact avec la clientèle. « Taxi, c’est un métier de service. Il faut aimer échanger et écouter les clients. Certains vous confient toute leur vie, ils vous font confiance et deviennent des clients fidèles », souligne Hocine.

Des revenus de 1 800 € à 3 000 € par mois

Une fois le certificat en poche, la carte professionnelle est délivrée par la préfecture de police. Un chauffeur de taxi en région parisienne peut gagner entre 1 800 et 3 000 € par mois, en fonction de son statut et de la demande. Les chauffeurs peuvent conduire onze heures d’affilée. Mais halte à la surchauffe. « Nous conseillons aux futurs taxis de prendre au moins un jour de repos par semaine et de faire du sport, pour évacuer le stress », dit Katia Yousfi.

Plusieurs étapes existent dans une carrière. « Au départ, un taxi débutant peut être salarié d’une compagnie type G 7 ou Slota, poursuit Katia Yousfi. Ensuite, il peut choisir la location-gérance, avec un véhicule loué et une plaque louée. Mais il faut pouvoir amortir les frais, d’environ 2 600 € par mois. Une fois qu’il a mis assez de côté, un taxi expérimenté peut devenir artisan indépendant. Il achète sa propre licence et son propre véhicule. C’est à lui de gérer sa comptabilité, sa trésorerie, etc. En fin de carrière, il peut revendre sa licence, ce qui lui sert de revenus pour sa retraite.

La fameuse plaque numérotée, appelée « autorisation de stationner » (ADS), est attribuée par la préfecture de police après transaction entre les deux taxis. Elle s’échange actuellement autour de 165 000 € contre 230 000 € environ il y a dix ans. Plusieurs centaines ont été ajoutées avant les JO de 2024. Certaines plaques gratuites sont distribuées sur liste d’attente. Mais il faut s’armer de patience, les délais étant d’environ quinze ans. Preuve de l’attrait pour le métier. « C’est vrai que nous, les taxis, on se plaint beaucoup… sourit Hocine Yousfi. Mais nous sommes notre propre patron, nous choisissons nos horaires. L’indépendance, c’est ce qui attire les candidats. Personne ne quitte le métier. »

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