Ces nébuleuses « sociétés de rattachement » de VTC (Le Parisien)

28 Mai Ces nébuleuses « sociétés de rattachement » de VTC (Le Parisien)

Dans le viseur du gouvernement et des taxis, ces entreprises jouent le rôle de gestionnaire de flotte. Mais les dérives sont nombreuses entre travail au noir, sous-déclaration sociale ou fraude à la TVA.

Sur LeBonCoin, l’annonce est alléchante. Fly Car propose aux VTC de se rattacher à la société, contre un abonnement de 70 € par semaine. En échange, les chauffeurs ont accès aux quatre grandes applications du secteur (Uber, Bolt, Freenow, Heetch) et n’ont pas à s’inquiéter de la paperasse administrative. « Pas de comptabilité à gérer, aucune taxe à la TVA », précise l’annonce. Et surtout, « vos revenus ne sont pas communiqués ». Contacté par téléphone, le prétendu gérant de l’entreprise explicite : « On vous reverse par virement, tous les mardis, l’intégralité des revenus que vous avez générés sur les plates-formes, le montant de l’abonnement en moins. Et vous n’avez pas besoin de les déclarer ensuite. » En résumé, du travail au noir savamment orchestré. Voilà les pratiques des nébuleuses « sociétés de rattachement » dans le viseur des taxis, mobilisés depuis une semaine contre la « concurrence déloyale » des VTC et la nouvelle tarification de l’Assurance maladie sur les transports de malades. En théorie, ces entreprises s’insèrent entre le chauffeur et la plate-forme, considérée comme un « apporteur d’affaires ». « Elles offrent du service de chauffeurs VTC et certains travaillent pour elles en sous-traitance ou comme salariés », résume Yves Weisselberger, président de la Fédération française du transport de personnes sur réservation. « Le cadre théorique est que l’argent de la course va de la plate-forme à cette société qui paie le chauffeur, déclare les Urssaf, paie la TVA… », abonde Armand Joseph-Oudin, délégué général de l’Union nationale des industries du taxi (Unit).

La moitié des VTC travailleraient pour elles.

Près de la moitié des chauffeurs VTC travailleraient pour une « société de rattachement ». « Dans les faits, c’est sans doute plus, peut-être aux alentours de 70 % », estime Brahim Ben Ali, représentant national de INV, premier syndicat chez les VTC. En soi, il n’y a rien d’illégal. Sauf que de nombreuses dérives existent. « Quand une société propose à un chauffeur un véhicule en location, on comprend tout de suite l’intérêt. Mais quand elle ne propose rien c’est très difficile à saisir, grince un professionnel du secteur. Sans doute faut-il y voir de la sous-déclaration sociale…»

À la sortie d’une réunion avec les représentants des taxis, ce mardi, le ministère des Transports a dit souhaiter la disparition de ces « sociétés écrans localisées à l’étranger permettant de contourner les obligations sociales et fiscales ». Il faudra sans doute du temps pour « nettoyer de fond en comble le secteur », craint Brahim Ben Ali.

Des sommes dont l’État ne voit pas la couleur.

En attendant, les annonces pullulent. Celle, par exemple, de Hey VTC, sur Leboncoin, une société basée à Saint-Denis (93) qui revendique « huit ans d’expérience ». Contacté par téléphone, le responsable affirme qu’il « ne fait pas comme les autres », avec des virements toutes les semaines sans aucun contrat de travail. « Moi, je propose aux chauffeurs un CDI à mi-temps, payé 800 € par mois et un abonnement à 500 € », précise-t-il. Cela n’empêche « évidemment pas » le salarié de travailler à temps plein et de toucher l’ensemble des sommes qu’il a générées avec ses courses. « C’est juste qu’on en déclare une partie seulement, résume-t-il. Comme ça, vous payez moins d’impôts et vous n’avez pas toute la paperasse à gérer. »

Le plus souvent, ces sociétés ne déclarent rien elles-mêmes. « Elles existent pendant onze mois, ce qui ne laisse pas le temps au fisc de diligenter un contrôle. Le responsable la ferme, puis ouvre une autre structure, et ainsi de suite, résume Brahim Ben Ali. Ils exploitent les chauffeurs, les arnaquent parfois en partant avec la caisse. » Ces sociétés de rattachement généreraient plusieurs dizaines — voire centaines — de milliers d’euros par mois. « La plus petite entreprise que j’ai vue avait 450 chauffeurs. Imaginons qu’ils payent tous un abonnement de 200 € par mois, ça fait déjà 90 000 € », calcule le responsable national d’INV. Des sommes mirobolantes, dont l’État ne voit pas, ou très peu, la couleur…